Avant de tomber enceinte je ne m'étais jamais posée la question de l'allaitement.
Ni pour, ni contre; je ne savais pas.
Pire, ça m'était complètement égale.
Je n'ai jamais été entourée de mamans allaitantes et moi même je n'ai pas été allaitée. Le nichon était donc un domaine complètement inconnu pour moi.
Pire, je n'en avais pas. Enfin pas très. Pas très beaucoup. Pas très du tout même...
Et puis je me suis vu m'arrondir, le bidon tout rond et surtout les nichons. Ces 2 petites choses que j'avais tant attendues durant toute mon adolescence enfin, se pointaient. Ne pouvant me reconvertir dans une carrière de stripteaseuse (enceinte de 8mois ça aurait été mal vu) je me suis dis qu'il fallait que je trouve un sens à leur venue. Et tout naturellement je me suis dis que j'allais allaiter. Du moins j'allais essayer.
Je me suis donc retrouvée à peine 5 minutes après avoir fait la guerre (tu pourras lire la délivrance ici...) avec La Chouette pendue au sein pour la première tétée câlin.
C'était étrange, c'était fort, c'était fou de voir ce tout petit bout de bébé qui ne voit rien, qui ne comprend rien et qui d'un seul petit coup de bouche me choppe le téton... pas la peine de lui montrer le chemin, elle a su de suite comment se mettre, comment téter.
Cette première rencontre m'a persuadée sur mon choix. Oui, oui je voulais allaiter.
A l'époque je ne savais pas dans quoi je m'embarquais...
Autant on parle des Mamans-Biberons qui souffrent du regard culpabilisant des gens, de leurs réflexions permanentes, autant je ne savais pas que vouloir allaiter La Chouette allait être si compliqué à faire respecter.
Ça a commencé par un interne de Néonat qui a insisté pour lui donner un biberon et qui malgré mon refus catégorique m'a persuadé que c'était le protocole et que c'était mieux pour elle. Elle, petite chose de quelques heures qui devait aller faire des séances de photothérapie pour cause de jaunisse et qui selon cet interne ne pouvait pas être sortie de cette machine pendant 3 heures et qu'il était de leur devoir de donner des biberons pendant les séances.
_ Non, non je ne veux pas qu'elle ait de biberon. Si elle se réveille, venez me chercher et je lui donnerai le sein!
_ Non c'est impossible, elle aura un biberon, c'est mieux pour elle.
_ Qu'est ce que vous en savez de ce qui est mieux pour elle?? Je ne veux pas de biberon c'est clair?
_ Pourtant je vais lui en donner un...
_ Je viens de vous dire non!
_Alors tirez votre lait...
Voilà en gros, l'échange avec ce c*n.
Il savait très bien que je n'avais rien à tirer, je n'avais que le colostrum à donner, je n'avais pas encore la vraie montée de lait.
Un gros c*n qui a eu raison de ma vulnérabilité de jeune maman épuisée.
Quelques heures plus tard je récupère ma poupée et ouf! Quelle chance, elle ne refuse pas le nichon, par contre elle se tortille de partout et lâche de gros vilains prouts. Lui qui me disait que c'était le mieux pour elle, je me rends compte qu'elle ne digère pas du tout le lait artificiel.
Seule dans ma chambre, au moindre signe de réveil je la mets au sein et je m'exerce à trouver la meilleure position pour elle, comme pour moi.
J'essaie de comprendre comment ça marche... je ne sais pas si je fais comme il faut, je sais juste qu'il faut que je la mette au sein le plus possible pour mettre en place la lactation. Plus elle tète, plus il y aura de lait et j'ai déjà les quelques réflexions soit disant humoristiques des copains "Tu n'arriveras jamais à nourrir un bébé avec ces si petits nénés..." qui me reviennent en tête.
D'accord ils sont pas énormes mais je suis certaine que je peux la nourrir largement. En tout cas pour l'instant elle arrête de suite de pleurer dès qu'elle est collée au sein. Il me semble qu'on s'en sort pas trop mal pour un début. J'essaie de nous faire confiance.
J'en suis là de mes réflexions quand on vient me la reprendre pour une nouvelle séance de photothérapie et là je pète les plombs!
_ Non! Non je ne veux pas que vous me l'enleviez encore, je ne veux pas que vous lui donniez encore un biberon! NON!
_ Mais ne vous énervez pas comme ça, je viendrai vous cherchez et vous lui donnerez le sein, il n'y a aucun soucis...
_ Ha bon?? Mais l'autre il m'a dit que c'était interdit, que c'était le "protocole", qu'il était obligé de lui donner un biberon!?
_ Permettez-moi de vous dire que "l'autre" n'est qu'un gros c*n qui ne veut pas s'embêter avec vos histoires de nichons et qui préfère se simplifier la vie, quitte à foirer votre allaitement... Ne vous inquiétez pas, dès que votre Chouette se réveille, je viendrai vous chercher.
Enfin... enfin je tombe sur quelqu'un concerné par mon désir d'allaitement. Ce fut la seule en presque 3 jours.
Ha si! J'oublie l'auxiliaire puer qui est venue me voir juste avant ma sortie de la maternité pour me demander si tout se passait bien avec l'allaitement.
Heureusement que tout se passait plutôt pas trop mal, sinon l'enfant aurait eu le temps de mourir de faim les gars!
Mais dans ce cas j'aurais flanché sur le biberon qu'une autre auxiliaire très "concernée" par l'alimentation de bébé était venue me déposer.
Ce soir là, La chouette a 36h et huuuurle. Elle n'a pas faim mais elle nage dans le pipi.
Je galère avec ce si petit body, ça coince de partout. Quelle idée aussi de m'avoir dit qu'elle aurait la taille d'une prématurée!!!
Oui elle est née 3 semaines avant terme mais elle est déjà immense et ne rentre pas dans ce tout petit, si petit body! En plus elle a la clavicule cassée dû à un accouchement trop sportif, (elle a loupé le dernier virage) et ce body est en train de me rendre dingue et j'ai peur de lui faire mal... et ça passe pas ce petit bras, et la tête mais elle coince cette siiii grosse tête et elle huuuuurle et c'est bon, j'en ai marre!
J'ai encore jamais utilisé le bouton magique du "A l'aide venez m'aider!!!" et là j'en ai vraiment marre et j'ai VRAIMENT besoin d'aide!
BIIIIIIP!
C'est alors qu'arrive ladite Auxiliaire puer avec un biberon à la main.
_ Tenez.
_ Euh... quoi?
_ Le biberon. Tenez.
_ Ha! Ha non merci, je voulais juste de l'aide pour lui remettre son body.
_ Tenez quand même...
_ Merci mais non je n'en veux pas, je l'allaite. Vous pourriez m'aider pour son bod...
_ Je vous le mets là quand même. Au cas où...
_ Non MERCI je l'allaite! Mais s'il vous plaît vous pouvez m'aider pour le body...
_ On ne sait jamais, je vous le laisse pour cette nuit, vous avez l'air fatiguée...
_ NON je l'allaite!!! P*tain mais c'est si compliqué que ça à comprendre??? Je ne veux pas de biberon, je veux juste de l'aide pour son body!!!
Elle est repartie, en me laissant le biberon sur la table de nuit et en me laissant me débattre avec ce f*cking body.
On ne peut donc pas dire que j'ai particulièrement été aidée pour cette mise en route de l'allaitement. On peut même dire que j'aurais pu baisser les bras de suite. Mais dès que je voyais cette petite merveille téter je fondais d'amour et j'étais fière. Fière parce que pour moi, pour elle, j'estime que mon lait était le meilleur de ce qu'elle pouvait avoir.
(A toi la maman non allaitante, pas la peine de me sauter à la gorge, je parle de Moi et de Mon avis sur l'allaitement de Ma fille... un avis donc très personnel et loin de la critique de ton choix. Parce que je ne suis personne pour critiquer ton choix.)
J'ai donc quitté la maternité à peine 3 jours après avoir accouché et toujours pas de montée de lait en vue. La Chouette a quand même repris du poids (comme quoi OUI le colostrum suffisait à la nourrir) et le pédiatre n'a trouvé aucune contre indication à nous laisser nous échapper dans la nature. Tout allait bien dans le meilleur des mondes. On était sur la bonne voie.
Celle du "je marche à tâtons dans l'univers de l'allaitement et des tétons".
Je n'en savais toujours pas plus. Mais j'ai quand même eu quelques conseils, les seuls qui m'ont vraiment servi.
_ Mettre La Chouette au sein, tout le temps, n'importe où, n'importe quand, tout le temps!
_ Ne jamais se poser la question sur les quantités, sur le fait qu'elle puisse avoir "encore" faim, sur le fait qu'elle puisse ne pas avoir assez.
_ Savoir reconnaître les pics de croissances, où bébé te réclame non stop sur l'espace de 24/48heures pour stimuler ta production.
_ Et surtout, surtout, ne jamais DOUTER.
Ces conseils là ont sauvé mon allaitement.
Pendant 6 mois La Chouette n'a eu QUE mon lait. Partout, tout le temps.
A la banque, dans la voiture, sur le bord de la route, à la poste, dans les boutiques, à l'Opéra, dans un avion, sur un bateau, à la plage, dans les bars, dans les restaurants, dans le train, à la Collectivité, sur un banc, debout en marchant dans la rue. Entourée des amis, de la famille et d'inconnus. Je ne me suis jamais posée la question.
Elle crie, elle a faim, elle a soif, elle a besoin d'un câlin: je paye mon sein!
Et pas une fois, pas une seule fois je n'ai eu de regards désobligeants. Je ne sais pas si j'ai pu choquer et je m'en fous. Parce que pour moi il n'y a rien de choquant à nourrir son enfant.
Mes seins sont apparus (presque comme La Vierge...) c'est bien qu'ils étaient là pour servir à quelque chose, sinon j'en aurais eu avant.
Si j'ai pris du gras pendant la grossesse c'était pour quoi? Pour pouvoir produire du lait...
Et si j'ai perdu tout ce gras, si tous mes organes ont retrouvé leur place si rapidement c'est aussi grâce à l'allaitement.
Mais attention, ne va pas croire que c'était que du bonheur! J'ai l'honnêteté de te dire que j'ai eu envie de baisser les bras mille fois, d'abandonner tous les mois et de passer au biberon, parce que je n'en pouvais plus. Parce que je me sentais pompée, vidée, épuisée et que je ne pouvais pas passer le relais. Ô oui j'ai failli lâcher, mais dès que je la mettais au sein, je prenais sur moi et je me chargeais de cet amour qu'elle me rendait par ses petits bruits de satisfaction. Parce que l'allaitement c'est très intense, c'est très puissant, c'est animal.
Souviens toi du prénom que j'ai donné à ma fille et rappelle toi que je suis devenue lionne...
:-)
Après 6 mois d'exclusivité il y a eu l'étape de la diversification. Cette étape où j'ai commencé à entendre des "Mais tu l'allaites encore??!" Alors que j'aurais aimé entendre "Bravo! Tu as fait le job, tu as réussi et c'était pas gagné! Bravo pour ces 6 mois d'exclusivité!".
Oui, oui je l'allaite encore, parce que tout se passe bien et parce qu'elle est encore toute petite et qu'elle a encore besoin de mon lait, donc oui, oui je l'allaite toujours. Mais en quoi devrais-je me justifier?
Et il y a eu aussi les "Mais tu devrais lui donner de l'eau" et "C'est normal qu'elle ne fasse pas ses nuits, tu l'allaites..." et les "Ce n'est pas normal qu'elle tète toujours autant..." sans oublier les "Tu vas en faire une tyran, elle va te mener par le bout du nez, tu vas en faire une capricieuse, tu vas en faire une ch*euse, tu la couves trop, tu devrais couper le cordon... Allez! il est grand temps de passer au biberon!"
C'est là où j'ai envie de dire M****!
Depuis quand il y a un lien entre le sommeil et la faim?
Je n'ai pas été allaitée (je le répète) et j'ai fait mes nuits à 9 mois!
Je connais des bébés allaités qui ont fait leur nuit dès la sortie de la maternité, d'autres au biberon qui ne dorment pas. Il n'y a pas de lien, je le répète entre le sommeil et la faim.
Et en me disant qu'un bébé allaité va avoir plus besoin de sa mère c'est comme si vous me disiez qu'un bébé au biberon n'a donc pas assez d'amour. On le prive, on l'empêche d'avoir ce contact...
Ha non, vous ne vouliez pas dire ça? Et bien si, c'est ce que ça veut dire, vu que dans votre vision étriquée de normalité du Bébé, ils sont TOUS pareils et devraient TOUS réagir de la même façon. Les bébés allaités ne dorment pas, les bébés au biberon dorment, les bébés allaités ont un trop gros besoin de leur mère et les bébés au biberon on les prive de ce besoin!
Qu'est ce que ces réflexions peuvent être épuisantes...
Et surtout inappropriées.
A 6 mois: "Il va falloir la diversifier là, tu vas pouvoir arrêter le sein..."
_ Mais pourquoi j'arrêterai, on a fait le plus dur... maintenant ça roule tout seul.