Irma
J'ai honte de le dire mais je me suis taillée.
Quelques avions ont été mis en place pour faire partir les femmes et les enfants.
Alors ouais j'ai été évacuée en Guadeloupe avec La Chouette, ma copine de galère et ses 2 gamins.
On a pris une valise avec rien dedans. On a rien. Tout est là bas. Notre vie est là bas. Nos copains. Nos voisins. Mes amies chéries.
Mais on a voulu sauver nos gamins.
On s'est sauvé devant José qui va continuer le sale boulot d'Irma.
C'était trop dur de rester.
Les conditions de vie sont déplorables.
Ça fait des jours qu'on ne dort quasi pas. Qu'on tient nos gamins propres comme on peut.
Qu'on s'éclaire à la bougie. Qu'on les nourrit de ce qu'on a. De ce qu'il reste. Il fait chaud. Très. Trop pour des minots.
L'île est dévastée, vision d'horreur sur la route, on ne sait même plus se repérer par moment. On ne reconnaît plus rien.
Coupé du monde.
Seuls sur notre caillou dévasté.
Mais il y a une solidarité de malade qui s'est mise en place dès le lendemain. Pourtant tout est difficile. Tellement.
On n'a pas d'informations. On ne sait pas ce qui nous attend. On a tous eu tellement peur. On a vraiment eu peur d'y passer.
Je le raconterai. Il faudra que je le raconte.
Nous sommes choqués.
Vivants mais tellement choqués.
Par moment je n'arrive même pas à parler. Et puis par moments on se regarde et on pleure. Jamais au même moment.
On se porte les uns les autres.
Rester debout.
Ouais il le faut.
Debout.
Je ne sais pas la suite.
Incapable de prendre la moindre décision.
Je sais juste que j'ai honte de le dire.
Je me suis taillée...
Je n'ai pas pu prendre Dinou fils avec moi. Il est en sécurité dans la case des copains bretons. Là où on a vécu Irma. Là où va passer José demain.
J'espère pouvoir le retrouver au plus vite.
Retrouver mes amis. Retrouver chez moi.
Retrouver un bout de vie.
Mais pour le moment je sais pas.
Je suis en Guadeloupe.
Déracinée et honteuse.
Merci pour tous vos mots. Vos messages.
On devenait dingue de ne pouvoir donner de nouvelles.
Dire qu'on était vivant.
Juste ça.
Vivant p*tain.
Alors oui merci. Merci d'avoir pensé à nous. On va avoir encore en avoir besoin.